Mouleydier - 21 juin 1944
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Mouleydier - 21 juin 1944
Mouleydier 21 juin 1944 ... Par Jacky Trone
L’incendie du village d’Oradour-sur-Glane par une colonne de la division Das Reich, le 10 juin 1944, n’est pas sans rappeler le martyr d’un autre village, situé plus au Sud, en bordure de la rivière Dordogne, en Périgord : le village paisible de Mouleydier. Le 21 juin 1944, au terme d’une lutte acharnée, le village est pillé puis incendié par les hommes de la 11e Panzer Division.
Il n’est pas question ici d’associer dans un même martyrologe les deux tragédies, celle d’Oradour-sur-Glane, d’une part, celle de mouleydier, d’autre part. Elles ne sont ni comparables, ni opposables. Les auteurs ne sont pas les mêmes (division SS d’un côté, division blindée de la Wehrmacht de l’autre), le nombre de victimes est beaucoup plus important en Haute-Vienne (123 maisons détruites et 642 victimes, fusillées et brûlées) qu’il n’est en Dordogne (175 maisons détruites et 65 morts probables, selon l’estimation de l’historien Jean-Jacques Gillot, en totalisant les morts des combats des 11, 18 et 21 juin, tant à Mouleydier qu’à Saint-Germain et Mons). À Oradour, les victimes sont civiles, tandis qu’à Mouleydier, ce sont des hommes qui meurent au combat ou qui, fait prisonniers, sont exécutés sauvagement. Si les circonstances qui conduisent au drame sont différentes, le ressenti est le même pour les populations endeuillées, spoliées, à qui l’on a tout volé, ravi, brûlé…
Les causes de la tragédie
L’événement qui est à la genèse de la tragédie de Mouleydier, aussi curieux que cela puisse paraître, c’est le débarquement allié du 6 juin 1944… En Bergeracois, l’annonce du débarquement en Normandie fait naître un incroyable enthousiasme et suscite des vocations parmi la population locale. Par centaines des Périgourdins vont venir grossir les rangs clairsemés des maquis. Les mouvements de Résistance, se sentant pousser des ailes, entreprennent alors des actions spectaculaires, à l’exemple de la libération des prisonniers politiques de la prison militaire de Mauzac, dès le lendemain, le 7 juin.
Dans la région de Mouleydier, sur le territoire de la commune voisine de Saint-Sauveur, on attend le parachutage d’hommes, d’armes et de matériel. Le message de la BBC devant alerter les résistants et les inviter à se tenir prêts en vue des parachutages, tombe le 31 mai 1944 :
« La fée a un joli sourire »… L’homme de contact avec Londres se nomme Philippe de Gunzbourg, alias « Philibert », puis « Edgard ». C’est l’un des responsables du réseau
« Hilaire ». Dans le même temps, le commandement allemand ordonne aux Panzers Divisions stationnées dans le Sud-Ouest de remonter vers la Normandie, avec pour mission de stopper la progression des Alliés.
La Résistance en Bergeracois, impatiente d’en découdre et sentant la Victoire à portée de fusils, entreprend par tous les moyens de freiner la remontée des troupes allemandes vers le Nord-Ouest de la France : actions de harcèlement de type guérilla, sabotages des voies ferrées, mise en place de barrages sur les routes…
Ces trois facteurs conjugués : 1. l’accroissement de l’activité de la Résistance après le 6 juin, avec notamment « l’attaque » de la prison de Mauzac, 2. le projet d’aménagement puis de surveillance d’une zone voisine de Mouleydier en vue de parachutages et 3. la remontée vers la Normandie des divisions de la SS stationnées dans le Sud-Ouest, conjuguée à la volonté des Allemands d’écraser la résistance en Sarladais… expliquent pourquoi Mouleydier, foyer de Résistance situé sur l’axe Bergerac-Sarlat, fait l’objet d’une attaque violente suivie d’un pillage en règle puis d’un incendie meurtrier…
Mouleydier a fait l’objet de plusieurs attaques, les 11, 18 et 21 juin 1944. Les différents groupes de résistants présents lors de la bataille de Mouleydier sont les suivants : Groupe Soleil, Alexis (Lot), Cerisier (Lalinde), Marsouin (Belvès), Loiseau (Prigonrieux), Bertrand (Eymet), Leduc (Beaumont), Pistolet (Bergerac), ainsi que celui de St-Germin-et-Mons.
Le village a finalement été incendié le 21 juin. Le même jour, le village voisin de Pressignac subissait un sort identique.
Témoignage:
Mouleydier village martyre par Louis Foxonet
Copie de l’article paru dans Nestor du 5 avril 1948.
Résistants, maquisards, chers lecteurs de " Nestor ", ce récit vous est fait par un combattant qui a vécu cette tragédie, de la première balle tirée, à la destruction complète de Mouleydier et au massacre de la majeure partie de ses défenseurs.
Ces souvenirs sont si pénibles que ce n’est qu’à la demande de quelques-uns des nôtres que je me résous à les publier.
Dix Neuf juin 1944, cinq heures du matin (date à jamais gravée dans ma mémoire). L’aube se lève, le silence le plus complet règne et, seuls les rossignols déchirent de leurs chants matinaux cette douce quiétude.
Le village est encore endormi, un épais brouillard couvre la Dordogne qui coule à nos pieds. Nous sommes en position depuis la veille dix sept heures, heure à laquelle nous avons relevé une compagnie FTP. Deux compagnies sont placées sur les hauteurs qui dominent Mouleydier, la troisième, la nôtre, est en renfort dans le parc. Le P.C. est au centre du village. Quelques sentinelles placées aux avant- postes veillent, l’oreille tendue. Après un tour de ronde, rien d’anormal n’est à signaler.
Mais ce silence n’est que passager. Alerte …On entend au loin le grincement des chenilles des chars ennemis qui s’approchent. " Ce sont des chars ennemis qui se dirigent sur Beaumont " me dit mon commandant de compagnie. " Le secteur est bien gardé nous n’avons rien à craindre ".
Soudain, quelques coups de feu tirés par les avant-postes nous sortent de cette certitude : " Tenez votre section prête, je vais demander du renfort ", me répète mon commandant de compagnie, le lieutenant Vaunac.
Nous faisons face à l’ennemi qui avance sur nous chassant les premiers P.A. Le pont traversant le fleuve est solidement tenu par deux fusils-mitrailleurs. Tout est prêt, l’ennemi ne passera pas. Le calme relatif revient pendant trente minutes, nous attendons palpitants et anxieux, toujours à l’affût de quelques infiltrations ennemies. Ce laps de temps écoulé, nos armes se mettent à tirer, les brutes sont sur l’autre berge et essayent de s’engager sur le pont. Leur tentative échoue, ils battent en retraite. Puis, plus rien, le calme règne à nouveau.
Que préparent-ils ? Nous ne resterons que quelques minutes dans l’attente angoissante. Soudain, par un haut-parleur placé dans une ferme sur l’autre rive, une voix caverneuse se fait entendre. Elle nous donne dix minutes pour nous rendre et exécuter ses ordres :
" Rendez-vous, vous êtes vendus par vos chefs terroristes qui vous trompent. Ceux qui se rendront seront pris sous notre protection, ceux qui seront pris les armes à la main seront considérés comme francs-tireurs et abattus comme tels ".
Comptant les minutes, elle reprenait :
" Plus que neuf, plus que huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux " et à la fin du compte à rebours, nous recevons une pluie de projectiles, un déluge d’artillerie : mortiers de 81mm, chars 35 tonnes, automitrailleuses, toutes ces armes tirent sur nous. Autour de nous, les murs des maisons volent en éclat.
Cela n’atteint pas notre moral et dans une réplique ultime, toutes nos armes se mettent à tirer.
Petit à petit, à court de munitions, elles se taisent. Les quatre hommes aux fusils mitrailleurs qui défendent le pont sont tués à leur poste de combat. Deux automitrailleuses nous contournent par le sud et entrent dans le village ; tout contact est perdu entre nous, c’est la fin, nous attendons la mort.
Une partie de la section est fauchée en franchissant la route, l’autre partie prisonnière, le lieutenant Vaunac massacré dans son P.C. Seuls deux hommes sortiront de cet enfer, Malgaches et moi, grâce à des buissons suspendus dans la Dordogne dans lesquels nous nous sommes dissimulés. De là, nous assistons impuissants à la destruction de Mouleydier et au massacre des blessés et des prisonniers sur lesquels les brutes nazies s’acharnent à coups de crosse et de talon. (Par miracle, un de ces prisonniers a pu s’échapper du peloton d’exécution).
Les râles de nos camarades d’armes parviennent jusqu’à nous sans que nous puissions leur apporter une dernière consolation. Le craquement des poutres incendiées et le fracas des tuiles tombant lourdement sur le sol se mêlent à leurs plaintes. Scènes horribles et insupportables.
Pauvres Vaunac, Villarmet, Dondart, Hurteneau, Francès, Labasque, Miconet, Labeur et tant d’autres, tous héros de la Résistance, morts dans la gloire pour que vive la France dans la Liberté. Comment ne vous ai-je pas suivi dans la nuit éternelle ? Pourquoi vous et pourquoi pas moi ? Je me le demande encore.
Ces brutes sanguinaires fouillent et ratissent tous les recoins, leurs bottes foulent le sol au dessus de ma tête, faisant tomber la terre friable sur mon épaule gauche. Le canon de mon pistolet sur la tempe, je suis prêt à tout pour ne pas tomber entre leurs mains. A mon grand soulagement, ils s’éloignent. Certains camarades, moins chanceux que moi, sont débusqués. Les jambes brisées par des rafales de mitraillettes, ils sont ensuite achevés à coup de crosse. Alors que je me crois sauvé, une barque surgit dans mon dos : une patrouille ! Heureusement pour moi, il s’agit d’une barque dérivant au fil de l’eau. Ce n’est pas mon heure.
Après plusieurs tentatives, je quitte définitivement cet enfer le soir à dix sept heures. Lors de la première tentative alors que je tente de franchir la route Mouleydier / Bergerac, une femme maintenue prisonnière auprès d’un fusil mitrailleur allemand (sortie ouest), attire mon attention et me sauve la vie. Revenu alors au bord du fleuve, je reprends la direction de Bergerac par un sentier encaissé mais épuisé par ces dernières vingt quatre heures, je m’évanouis.
Lorsque je reprends mes esprits, le soleil décline à l’horizon. Seconde tentative, j’essaye de rejoindre une ferme en bordure de la route Mouleydier/Bergerac. Le passage m’est refusé par le fermier craignant la destruction de sa maison :
" Ne passez pas chez moi, ; si les Allemands vous trouvent, ils incendieront ma ferme. Voyez ce qu’ils ont fait à Mouleydier ! "
" Je sais, j’en viens ! "
La troisième tentative enfin ! Je peux gagner le bois de Saint-Sauveur où gisent des cadavres épars et abandonnés serrant encore leurs armes de leurs doigts raidis. Là, je suis recueilli par une famille d’Italiens qui me propose de passer la nuit dans une de leur chambre. Je décline leur invitation pour ne pas les mettre en danger, accepte leur bol de lait et je passe la nuit au fond du bois. Le lendemain, de bonne heure, nanti du petit déjeuner qu’ils m’ont offert de bon cœur et d’informations précieuses sur la localisation d’un groupe proche de résistants, je prends congé. Le groupe rejoint, j’attends trois heures l’arrivée d’un agent de liaison motocycliste, et avec lui, je peux atteindre l’Etat-major du Bugue dans la soirée. Là je reprends contact avec quelques survivants notamment mes camarades Fèvre et Marty qui me croyaient morts dans les ruines de Mouleydier. Le bilan de cette sinistre bataille est terrible : 58 tués.
Amis maquisards et résistants, n’oublions jamais nos morts et sachons nous montrer dignes d’eux. Nous, survivants, avons juré de poursuivre l’œuvre entreprise, soyez sans crainte, nous tiendrons notre promesse.
Après ces événements, une permission de quatre jours m’est accordée et comme la compagnie Vaunac est anéantie, je suis réaffecté à la compagnie Valmy.
Arrivé chez moi de nuit, amaigri, hirsute, ma femme a eu du mal à me reconnaître et mon fils a refusé d’embrasser l’étranger que j’étais devenu. Après m’être refait une santé physique et nerveuse, j’ai rejoint Valmy qui était alors cantonné à La Taillandière, commune de Vergt.
Arrivé aux avant-postes j’ai été interpellé par la sentinelle, puis, sous bonne garde, conduit au P.C. Le capitaine Gandoin congédia la sentinelle (" ça va, je suis au courant ! ") et me nomma chef du second groupe de corps franc.
Je n’avais plus qu’à rejoindre mon groupe qui se trouvait en position à deux kilomètres de là. L’accueil n’a pas été des plus chaleureux : en m’apercevant, le petit Steibler braque son fusil-mitrailleur sur moi et s’écrie avec son inimitable accent alsacien :
" Izi, pas de naphtalinar. Nous n’azeptons bas les drouillards ! "
Sans l’intervention de Dormeyer, le serveur du piat, qui me connaissait et plaida pour moi, je pense que j’aurais eu droit à une "giclée ". Il est vrai et pour sa décharge, que le petit Steibler avait trop arrosé une certaine victoire remportée la veille sur la milice, combat que je citerai plus loin.
J’ai pris cependant le groupe en main et, quelques jours plus tard, nous étions Steibler et moi les meilleurs amis du monde, amitié qui dure encore. A chacune de nos rencontres, lors de nos congrès, il ne manque pas
L’ennemi n’osant pas nous affronter dans les forêts, il avait parfois recours à des stratagèmes pour nous en faire sortir. Ce fut le cas lors de l’accrochage que mon ami Steibler avait trop copieusement arrosé.
La veille de mon arrivée à La Taillandière, un agent de liaison prévient le capitaine Gandoin qu’un groupe non identifié occupe une ferme abandonnée à quelques kilomètres de là. Les hommes composant ce groupe sont torse nu et en short kaki. Ils sont armés de mitraillettes de type allemand. Le corps franc est désigné pour aller l’identifier. L’approche est prudente. " Qui êtes-vous ? Ici France ". La seule réponse est une rafale de mitraillette. Il s’ensuit un corps à corps au cours duquel mes camarades n’identifient les opposants que lorsqu’un des leurs, touché, se plie en deux en criant "maman " !
Ils étaient simplement là comme leurre ; aux premiers coups de feu, les blindés allemands camouflés sous les arbres se mettent en mouvement. Notre camion est détruit au canon, nos amis décrochent et refont le chemin du retour à pieds. Pas de pertes chez nous, mais le groupe de miliciens est exterminé. Ca s’arrose monsieur Steibler !
A l’instigation de notre chef Malraux, alias colonel Berger, la brigade Alsace Lorraine (B.A.L) était née du regroupement des compagnies Ancel, Valmy, Bir-Hakem. Une discipline exemplaire y régnait. Composée en majeure partie d’Alsaciens et de Lorrains ainsi que de volontaires Périgourdins, cette brigade allait faire parler d’elle, depuis le plus profond des bois du Périgord, jusqu’en Alsace et sa libération. Bien encadrée par des hommes issus en majorité de l’active, au moral de fer et décidés à vaincre ou à mourir, elle allait poser de sérieux problèmes aux ennemis de la France et en particulier à la trop fameuse division Das-Reich.
Nos relations avec Londres étaient permanentes et nous recevions grâce à de nombreux parachutages l’armement moderne qui nous était nécessaire. Les agents de liaison suivaient le même chemin. C’est ainsi que nous pouvions aller traquer le Boche sur son terrain, lui qui se refusait maintenant à pénétrer dans nos bois.
carte des operations ou apparait lesmouvements du Kampfgruppe Wilde de la 11eme ZY Div, en charge de controller la zone pour couvrir la montée au front de la 2eme SS la "Das Reich"
L’incendie du village d’Oradour-sur-Glane par une colonne de la division Das Reich, le 10 juin 1944, n’est pas sans rappeler le martyr d’un autre village, situé plus au Sud, en bordure de la rivière Dordogne, en Périgord : le village paisible de Mouleydier. Le 21 juin 1944, au terme d’une lutte acharnée, le village est pillé puis incendié par les hommes de la 11e Panzer Division.
Il n’est pas question ici d’associer dans un même martyrologe les deux tragédies, celle d’Oradour-sur-Glane, d’une part, celle de mouleydier, d’autre part. Elles ne sont ni comparables, ni opposables. Les auteurs ne sont pas les mêmes (division SS d’un côté, division blindée de la Wehrmacht de l’autre), le nombre de victimes est beaucoup plus important en Haute-Vienne (123 maisons détruites et 642 victimes, fusillées et brûlées) qu’il n’est en Dordogne (175 maisons détruites et 65 morts probables, selon l’estimation de l’historien Jean-Jacques Gillot, en totalisant les morts des combats des 11, 18 et 21 juin, tant à Mouleydier qu’à Saint-Germain et Mons). À Oradour, les victimes sont civiles, tandis qu’à Mouleydier, ce sont des hommes qui meurent au combat ou qui, fait prisonniers, sont exécutés sauvagement. Si les circonstances qui conduisent au drame sont différentes, le ressenti est le même pour les populations endeuillées, spoliées, à qui l’on a tout volé, ravi, brûlé…
Les causes de la tragédie
L’événement qui est à la genèse de la tragédie de Mouleydier, aussi curieux que cela puisse paraître, c’est le débarquement allié du 6 juin 1944… En Bergeracois, l’annonce du débarquement en Normandie fait naître un incroyable enthousiasme et suscite des vocations parmi la population locale. Par centaines des Périgourdins vont venir grossir les rangs clairsemés des maquis. Les mouvements de Résistance, se sentant pousser des ailes, entreprennent alors des actions spectaculaires, à l’exemple de la libération des prisonniers politiques de la prison militaire de Mauzac, dès le lendemain, le 7 juin.
Dans la région de Mouleydier, sur le territoire de la commune voisine de Saint-Sauveur, on attend le parachutage d’hommes, d’armes et de matériel. Le message de la BBC devant alerter les résistants et les inviter à se tenir prêts en vue des parachutages, tombe le 31 mai 1944 :
« La fée a un joli sourire »… L’homme de contact avec Londres se nomme Philippe de Gunzbourg, alias « Philibert », puis « Edgard ». C’est l’un des responsables du réseau
« Hilaire ». Dans le même temps, le commandement allemand ordonne aux Panzers Divisions stationnées dans le Sud-Ouest de remonter vers la Normandie, avec pour mission de stopper la progression des Alliés.
La Résistance en Bergeracois, impatiente d’en découdre et sentant la Victoire à portée de fusils, entreprend par tous les moyens de freiner la remontée des troupes allemandes vers le Nord-Ouest de la France : actions de harcèlement de type guérilla, sabotages des voies ferrées, mise en place de barrages sur les routes…
Ces trois facteurs conjugués : 1. l’accroissement de l’activité de la Résistance après le 6 juin, avec notamment « l’attaque » de la prison de Mauzac, 2. le projet d’aménagement puis de surveillance d’une zone voisine de Mouleydier en vue de parachutages et 3. la remontée vers la Normandie des divisions de la SS stationnées dans le Sud-Ouest, conjuguée à la volonté des Allemands d’écraser la résistance en Sarladais… expliquent pourquoi Mouleydier, foyer de Résistance situé sur l’axe Bergerac-Sarlat, fait l’objet d’une attaque violente suivie d’un pillage en règle puis d’un incendie meurtrier…
Mouleydier a fait l’objet de plusieurs attaques, les 11, 18 et 21 juin 1944. Les différents groupes de résistants présents lors de la bataille de Mouleydier sont les suivants : Groupe Soleil, Alexis (Lot), Cerisier (Lalinde), Marsouin (Belvès), Loiseau (Prigonrieux), Bertrand (Eymet), Leduc (Beaumont), Pistolet (Bergerac), ainsi que celui de St-Germin-et-Mons.
Le village a finalement été incendié le 21 juin. Le même jour, le village voisin de Pressignac subissait un sort identique.
Témoignage:
Mouleydier village martyre par Louis Foxonet
Copie de l’article paru dans Nestor du 5 avril 1948.
Résistants, maquisards, chers lecteurs de " Nestor ", ce récit vous est fait par un combattant qui a vécu cette tragédie, de la première balle tirée, à la destruction complète de Mouleydier et au massacre de la majeure partie de ses défenseurs.
Ces souvenirs sont si pénibles que ce n’est qu’à la demande de quelques-uns des nôtres que je me résous à les publier.
Dix Neuf juin 1944, cinq heures du matin (date à jamais gravée dans ma mémoire). L’aube se lève, le silence le plus complet règne et, seuls les rossignols déchirent de leurs chants matinaux cette douce quiétude.
Le village est encore endormi, un épais brouillard couvre la Dordogne qui coule à nos pieds. Nous sommes en position depuis la veille dix sept heures, heure à laquelle nous avons relevé une compagnie FTP. Deux compagnies sont placées sur les hauteurs qui dominent Mouleydier, la troisième, la nôtre, est en renfort dans le parc. Le P.C. est au centre du village. Quelques sentinelles placées aux avant- postes veillent, l’oreille tendue. Après un tour de ronde, rien d’anormal n’est à signaler.
Mais ce silence n’est que passager. Alerte …On entend au loin le grincement des chenilles des chars ennemis qui s’approchent. " Ce sont des chars ennemis qui se dirigent sur Beaumont " me dit mon commandant de compagnie. " Le secteur est bien gardé nous n’avons rien à craindre ".
Soudain, quelques coups de feu tirés par les avant-postes nous sortent de cette certitude : " Tenez votre section prête, je vais demander du renfort ", me répète mon commandant de compagnie, le lieutenant Vaunac.
Nous faisons face à l’ennemi qui avance sur nous chassant les premiers P.A. Le pont traversant le fleuve est solidement tenu par deux fusils-mitrailleurs. Tout est prêt, l’ennemi ne passera pas. Le calme relatif revient pendant trente minutes, nous attendons palpitants et anxieux, toujours à l’affût de quelques infiltrations ennemies. Ce laps de temps écoulé, nos armes se mettent à tirer, les brutes sont sur l’autre berge et essayent de s’engager sur le pont. Leur tentative échoue, ils battent en retraite. Puis, plus rien, le calme règne à nouveau.
Que préparent-ils ? Nous ne resterons que quelques minutes dans l’attente angoissante. Soudain, par un haut-parleur placé dans une ferme sur l’autre rive, une voix caverneuse se fait entendre. Elle nous donne dix minutes pour nous rendre et exécuter ses ordres :
" Rendez-vous, vous êtes vendus par vos chefs terroristes qui vous trompent. Ceux qui se rendront seront pris sous notre protection, ceux qui seront pris les armes à la main seront considérés comme francs-tireurs et abattus comme tels ".
Comptant les minutes, elle reprenait :
" Plus que neuf, plus que huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux " et à la fin du compte à rebours, nous recevons une pluie de projectiles, un déluge d’artillerie : mortiers de 81mm, chars 35 tonnes, automitrailleuses, toutes ces armes tirent sur nous. Autour de nous, les murs des maisons volent en éclat.
Cela n’atteint pas notre moral et dans une réplique ultime, toutes nos armes se mettent à tirer.
Petit à petit, à court de munitions, elles se taisent. Les quatre hommes aux fusils mitrailleurs qui défendent le pont sont tués à leur poste de combat. Deux automitrailleuses nous contournent par le sud et entrent dans le village ; tout contact est perdu entre nous, c’est la fin, nous attendons la mort.
Une partie de la section est fauchée en franchissant la route, l’autre partie prisonnière, le lieutenant Vaunac massacré dans son P.C. Seuls deux hommes sortiront de cet enfer, Malgaches et moi, grâce à des buissons suspendus dans la Dordogne dans lesquels nous nous sommes dissimulés. De là, nous assistons impuissants à la destruction de Mouleydier et au massacre des blessés et des prisonniers sur lesquels les brutes nazies s’acharnent à coups de crosse et de talon. (Par miracle, un de ces prisonniers a pu s’échapper du peloton d’exécution).
Les râles de nos camarades d’armes parviennent jusqu’à nous sans que nous puissions leur apporter une dernière consolation. Le craquement des poutres incendiées et le fracas des tuiles tombant lourdement sur le sol se mêlent à leurs plaintes. Scènes horribles et insupportables.
Pauvres Vaunac, Villarmet, Dondart, Hurteneau, Francès, Labasque, Miconet, Labeur et tant d’autres, tous héros de la Résistance, morts dans la gloire pour que vive la France dans la Liberté. Comment ne vous ai-je pas suivi dans la nuit éternelle ? Pourquoi vous et pourquoi pas moi ? Je me le demande encore.
Ces brutes sanguinaires fouillent et ratissent tous les recoins, leurs bottes foulent le sol au dessus de ma tête, faisant tomber la terre friable sur mon épaule gauche. Le canon de mon pistolet sur la tempe, je suis prêt à tout pour ne pas tomber entre leurs mains. A mon grand soulagement, ils s’éloignent. Certains camarades, moins chanceux que moi, sont débusqués. Les jambes brisées par des rafales de mitraillettes, ils sont ensuite achevés à coup de crosse. Alors que je me crois sauvé, une barque surgit dans mon dos : une patrouille ! Heureusement pour moi, il s’agit d’une barque dérivant au fil de l’eau. Ce n’est pas mon heure.
Après plusieurs tentatives, je quitte définitivement cet enfer le soir à dix sept heures. Lors de la première tentative alors que je tente de franchir la route Mouleydier / Bergerac, une femme maintenue prisonnière auprès d’un fusil mitrailleur allemand (sortie ouest), attire mon attention et me sauve la vie. Revenu alors au bord du fleuve, je reprends la direction de Bergerac par un sentier encaissé mais épuisé par ces dernières vingt quatre heures, je m’évanouis.
Lorsque je reprends mes esprits, le soleil décline à l’horizon. Seconde tentative, j’essaye de rejoindre une ferme en bordure de la route Mouleydier/Bergerac. Le passage m’est refusé par le fermier craignant la destruction de sa maison :
" Ne passez pas chez moi, ; si les Allemands vous trouvent, ils incendieront ma ferme. Voyez ce qu’ils ont fait à Mouleydier ! "
" Je sais, j’en viens ! "
La troisième tentative enfin ! Je peux gagner le bois de Saint-Sauveur où gisent des cadavres épars et abandonnés serrant encore leurs armes de leurs doigts raidis. Là, je suis recueilli par une famille d’Italiens qui me propose de passer la nuit dans une de leur chambre. Je décline leur invitation pour ne pas les mettre en danger, accepte leur bol de lait et je passe la nuit au fond du bois. Le lendemain, de bonne heure, nanti du petit déjeuner qu’ils m’ont offert de bon cœur et d’informations précieuses sur la localisation d’un groupe proche de résistants, je prends congé. Le groupe rejoint, j’attends trois heures l’arrivée d’un agent de liaison motocycliste, et avec lui, je peux atteindre l’Etat-major du Bugue dans la soirée. Là je reprends contact avec quelques survivants notamment mes camarades Fèvre et Marty qui me croyaient morts dans les ruines de Mouleydier. Le bilan de cette sinistre bataille est terrible : 58 tués.
Amis maquisards et résistants, n’oublions jamais nos morts et sachons nous montrer dignes d’eux. Nous, survivants, avons juré de poursuivre l’œuvre entreprise, soyez sans crainte, nous tiendrons notre promesse.
Après ces événements, une permission de quatre jours m’est accordée et comme la compagnie Vaunac est anéantie, je suis réaffecté à la compagnie Valmy.
Arrivé chez moi de nuit, amaigri, hirsute, ma femme a eu du mal à me reconnaître et mon fils a refusé d’embrasser l’étranger que j’étais devenu. Après m’être refait une santé physique et nerveuse, j’ai rejoint Valmy qui était alors cantonné à La Taillandière, commune de Vergt.
Arrivé aux avant-postes j’ai été interpellé par la sentinelle, puis, sous bonne garde, conduit au P.C. Le capitaine Gandoin congédia la sentinelle (" ça va, je suis au courant ! ") et me nomma chef du second groupe de corps franc.
Je n’avais plus qu’à rejoindre mon groupe qui se trouvait en position à deux kilomètres de là. L’accueil n’a pas été des plus chaleureux : en m’apercevant, le petit Steibler braque son fusil-mitrailleur sur moi et s’écrie avec son inimitable accent alsacien :
" Izi, pas de naphtalinar. Nous n’azeptons bas les drouillards ! "
Sans l’intervention de Dormeyer, le serveur du piat, qui me connaissait et plaida pour moi, je pense que j’aurais eu droit à une "giclée ". Il est vrai et pour sa décharge, que le petit Steibler avait trop arrosé une certaine victoire remportée la veille sur la milice, combat que je citerai plus loin.
J’ai pris cependant le groupe en main et, quelques jours plus tard, nous étions Steibler et moi les meilleurs amis du monde, amitié qui dure encore. A chacune de nos rencontres, lors de nos congrès, il ne manque pas
L’ennemi n’osant pas nous affronter dans les forêts, il avait parfois recours à des stratagèmes pour nous en faire sortir. Ce fut le cas lors de l’accrochage que mon ami Steibler avait trop copieusement arrosé.
La veille de mon arrivée à La Taillandière, un agent de liaison prévient le capitaine Gandoin qu’un groupe non identifié occupe une ferme abandonnée à quelques kilomètres de là. Les hommes composant ce groupe sont torse nu et en short kaki. Ils sont armés de mitraillettes de type allemand. Le corps franc est désigné pour aller l’identifier. L’approche est prudente. " Qui êtes-vous ? Ici France ". La seule réponse est une rafale de mitraillette. Il s’ensuit un corps à corps au cours duquel mes camarades n’identifient les opposants que lorsqu’un des leurs, touché, se plie en deux en criant "maman " !
Ils étaient simplement là comme leurre ; aux premiers coups de feu, les blindés allemands camouflés sous les arbres se mettent en mouvement. Notre camion est détruit au canon, nos amis décrochent et refont le chemin du retour à pieds. Pas de pertes chez nous, mais le groupe de miliciens est exterminé. Ca s’arrose monsieur Steibler !
A l’instigation de notre chef Malraux, alias colonel Berger, la brigade Alsace Lorraine (B.A.L) était née du regroupement des compagnies Ancel, Valmy, Bir-Hakem. Une discipline exemplaire y régnait. Composée en majeure partie d’Alsaciens et de Lorrains ainsi que de volontaires Périgourdins, cette brigade allait faire parler d’elle, depuis le plus profond des bois du Périgord, jusqu’en Alsace et sa libération. Bien encadrée par des hommes issus en majorité de l’active, au moral de fer et décidés à vaincre ou à mourir, elle allait poser de sérieux problèmes aux ennemis de la France et en particulier à la trop fameuse division Das-Reich.
Nos relations avec Londres étaient permanentes et nous recevions grâce à de nombreux parachutages l’armement moderne qui nous était nécessaire. Les agents de liaison suivaient le même chemin. C’est ainsi que nous pouvions aller traquer le Boche sur son terrain, lui qui se refusait maintenant à pénétrer dans nos bois.
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